Lorsqu’on me demande où je milite depuis mon exclusion du Parti Socialiste, ma réponse laisse perplexe. « Gauche Moderne » pour beaucoup serait un courant du PS. D’une certaine façon, ce fut le cas à différentes périodes de l’histoire socialiste. Les Modernes au PS ont toujours existé : Laurent Fabius en fut, Dominique Strauss-Kahn y eu droit aussi, Jean-Marie Bockel, ou encore Manuel Valls, Bertrand Delanoë…
Pourtant il s’est passé quelque chose de grave il y a un an. Un socialiste qui avait recueilli moins de 1% au dernier Congrès en présentant une motion résolument moderne, a claqué la porte. Lassé de passer pour un illuminé dans sa famille politique, il a répondu à l’appel réformiste du Président de
Une trahison pour certains, rares en réalité. Car ils sont nombreux à comprendre que Bockel, le social-libéral, n'a pas changé de camp. Les lignes politiques ont bougé dans le pays au point qu’un éminent socialiste, Maire de Paris, candidat non déclaré à la tête du PS et à l’élection présidentielle de 2012, se revendique « socialiste et libéral ». Au point qu’un éminent ministre de droite, dirigeant de l’UMP, aspirant premier ministre, se réclame du « social-libéralisme ». Le paysage politique est tellement bouleversé qu’on s’aperçoit à peine de la disparition du centre, divisé en deux camps : un Modem moribond, et un Nouveau Centre « umpéisé ». Que reste-il des radicaux ? Ceux de gauche survivent de la générosité et du bon vouloir du PS, les valoisiens sont noyés dans le magma de l’UMP. On pourrait aussi s’inquiéter du sort de la gauche du PS : vont-ils rester ou sortir ? ou encore des conservateurs de l’UMP transformés en lobbyistes accros aux amendements droitiers. L’extrême droite agonise avec son chef tandis que l’extrême gauche se shoote aux sondages.
Que retiendra l’Histoire de nos petites histoires ?
La Gauche Moderne est le premier parti politique créé en France au 21e siècle qui ne soit pas né de la mise à mort d’une précédente formation. Si on s’autorisait à se laisser aller au lyrisme, on dirait que ce premier enfant est le fruit d’une relation adultérine entre une gauche délaissée et une droite don juanesque. Dieu (laïque) merci, les bâtards n’existent plus dans notre pays !
Plus sérieusement et pour revenir au propos de cet éditorial, comment positionner la Gauche Moderne dans un environnement politique en pleine mutation ? Comment passer d’OPNI (objet politique non identifié) à un mouvement capable de prendre sa part dans le débat national et de porter les aspirations d’une partie de la population ? Ces questions seront au cœur de notre rendez-vous national du 29 juin. Elles trouveront leurs réponses dans la formulation de nos positions et dans l’affirmation de nos convictions.
Deux postulats apparaissent et méritent d’être exprimés :
- primo, la Gauche Moderne est un parti de gauche ;
- deuxio, la Gauche Moderne est un parti libre, et loyal dans ses alliances.
Norberto Bobbio, Sénateur à vie italien, philosophe, écrivait dans Droite et Gauche (1995) : « une fois donné et admis que gauche et droite sont deux concepts spatiaux, qu’ils ne sont pas des concepts ontologiques, qu’ils n’ont pas un contenu déterminé, spécifique et constant dans le temps, doit-on en conclure que ce sont deux boîtes vides qu’on peut remplir de n’importe quelle marchandise ? ». J’espère que nous aurons en tête cette interpellation car si la réponse paraît évidemment négative, elle nous oblige à un travail de « refondation » voire de « réorganisation » de la pensée. Nous devons être capables de nous identifier, de savoir qui nous sommes, pour prétendre incarner une sensibilité politique et offrir un débouché à nos concitoyens qui, comme nous, croient en notre pays et en sa capacité à relever les défis de la mondialisation.
Notre préoccupation majeure, en tant que militants de gauche, doit rester la réduction des inégalités par la mise en œuvre de politiques publiques efficaces en particulier en matière d’éducation, de santé et d’accès à l’emploi ; et par l’intervention de la puissance publique quand l’intérêt général est compromis. Notre liberté et notre vivre ensemble en dépendent. La République française est sociale et libérale. Elle exige que ses citoyens, et plus expressément, ses dirigeants politiques fassent preuve de responsabilité, de réalisme et d’efficacité.
En cette veille de vacances estivales, je vous invite, chers adhérents, chers sympathisants, à prendre votre part dans la construction de la Gauche Moderne via des contributions écrites, des questions, des recommandations.
Amicalement,
Sophia CHIKIROU